Le Mali partie 2Après avoir lui-même participé à un coup d'État militaire, Amadou Toumani Touré, dit ATT, a été élu Président en 2002 puis en 2007. Il arrivait à la fin de son deuxième mandat, les élections devant se dérouler au mois d'avril.
Adepte du consensus, il a dirigé le pays sans à-coups, mais préférant ignorer les menaces, il les a laissés grandir jusqu'à menacer la stabilité de l'État.
Considérant l'AQMI inoffensive pour le Mali, il n'a rien fait pour l'empêcher de s'implanter dans le nord du pays, principalement dans la forêt de Wagadou. Résultat, l'organisation terroriste a transformé la région en zone refuge où elle retient prisonniers les otages capturés au Niger, en Mauritanie et dorénavant sur le territoire malien lui-même.
Pire, l'AQMI est devenue une cause de pourrissement interne du pays. Organisant ses réseaux d'approvisionnement et de renseignement avec l'argent des rançons, elle a secrété un tissu de complicités au sein de la communauté touarègue, de l'armée et de l'administration. On sait par exemple des véhicules de l'armée malienne assurant, contre rémunération, les transports de carburant, de nourriture, voire de munitions pour l'AQMI.
Dans le même temps, les divers trafics, armes, essence, cigarettes mais surtout celui de la cocaïne, passant par le Mali pour rejoindre l'Europe à travers le Sahara ont pris de l'ampleur. Nous disposons de listes de personnes, jusque dans l'entourage du Président, qui fournissent des laissez-passer et des plaques d'immatriculation officielles pour sécuriser les transports.
À cette situation, se sont ajoutées les conséquences du renversement de Kadhafi en Libye. Le Mali entretenait d'excellentes relations avec le potentat de Tripoli et bénéficiait de ses largesses sous forme d'investissements pharaoniques. Première difficulté, la manne s'est brusquement tarie. Deuxième problème, les mercenaires touaregs servant dans les unités libyennes sont rentrés au Mali avec de grosses quantités d'armes.
Une nouvelle rébellion de cette ethnie a éclaté à partir du 17 janvier trouvant face à elle une armée sous-équipée et manquant de munitions. Fidèle à sa politique du consensus, ATT a réagi mollement allant jusqu'à retenir des moyens militaires dont il disposait.
La colère de l'armée, mise en déroute, a suscité la révolte des soldats et aujourd'hui l'émergence d'un régime militaire.
Peu de gens, sinon des profiteurs du système, pleurent la mise à l'écart d'ATT, dorénavant dévalorisé aux yeux de tous. Mais l'Afrique change et la grande majorité aurait voulu un processus de renouvellement de l'autorité conforme à la Constitution.
Des manifestations sont signalées à Bamako dénonçant le nouveau pouvoir. De plus, ce dernier se voit appelé à se démettre autant par les pays voisins que par l'Occident pourvoyeurs des fonds indispensables à l'équilibre budgétaire. Ceci alors que l'effort de guerre suppose des dépenses accrues.
En d'autres termes, condamné à régler le problème par la force autant que par la négociation et l'argent, la junte se voit confrontée à un dilemme insoluble.
Pire pour elle, profitant de la situation, les rebelles touaregs ont relancé leur offensive. Après la prise de Tessalit, le 11 mars, ils se sont emparés de Kidal, point de départ de la contre-offensive, le 30 du même mois.
En d'autres termes, la junte n'a aucune chance de redresser la barre d'un navire en perdition. Si une solution n'est pas rapidement trouvée, l'AQMI et les trafiquants de drogue vont transformer le nord du Mali en bastion inexpugnable.
A.C.
BIOGRAPHIE: AMADOU HAYA SANOGO[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Âgé d'une quarantaine d'années, il est le fils d'un infirmier à la retraite, quatrième garçon d'une famille de sept enfants. Né à Ségou, il appartient à l'environnement ethnique bambara, est marié et père de trois filles. Il est très populaire dans la ville de Kati où il donne des cours d'anglais.
Après avoir fréquenté le Prytanée militaire de Kati. N'ayant pas pu terminer le cycle normal, il a été admis dans l'armée avec le simple grade de caporal.
Il a alors entrepris une série de formations aux États-Unis dans les Marines et à l'école d'application d'infanterie à Fort Benning (Georgie). Nommé sous-lieutenant, il est reparti en 2007 pour recevoir une formation d'officier de renseignement à Fort-Wachica en Arizona. Il est alors devenu lieutenant. Il a en outre étudié l'anglais.
Détaché à l'EMIA, l'école d'officiers, il y a servi quatre ans comme instructeur tout en suivant des cessions organisées par les Américains, dont une sur la lutte anti-terroriste, au Maroc en 2008, et une autre dans le contexte de l'ACRI (African Crisis Response Initiative) mise sur pied par les États-Unis sous George Bush père en 1996. Il a ensuite été élevé au grade de capitaine.
Tout le désigne comme un élément sur lequel comptent les Américains dans le cadre de leur discrète compétition avec la France dans la région sahélienne.
Sa carrière, pourtant prometteuse, a été interrompue par un bizutage d'élèves officiers qui a mal tourné, causant la mort de cinq d'entre eux. S'il n'était pas présent au moment des faits, il a été sanctionné en tant que chef de l'unité de formation. D'autres officiers ont été mis aux arrêts.
La mutinerie a mis fin à leur punition et avec Sanogo, ils ont alors pris la tête du soulèvement dont ils ont fait un putsch armé. Une vraie revanche !
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