L'atomisation? Rien à voir avec le sort que la Corée du Nord réserve à Séoul et Guam! C'est l'éclatement des unités avant leur projection du fait des conditions minimales imposées par les RH. Pour les militaires, c'est un phénomène connu; mais bien des néophytes et des civils ne devinent pas ce casse-tête, ses raisons et ses implications. Un petit coup de projecteur s'impose.
De ces consignes, il faut retenir, en particulier, les normes de désignation des EVAT de l'armée de terre pour la projection:
- 18 ans d'âge (sinon ce sont des enfants-soldats),
- 6 mois de service avant la mise en condition avant projection (MCP),
- 12 mois de service minimum pour l'opération Pamir (Afghanistan), 10 mois pour les compagnies Guépard, pour l'opération Serval (ainsi que pour Licorne, Epervier, Harpie et les ops au Gabon, RCA, Liban, Kosovo), 8 pour les forces de présence (EAU, Djibouti, Sénégal), 6 pour les forces de souveraineté.
Ajoutons aux jeunes engagés écartés des projections: les inaptes temporaires, les stagiaires et les autres personnels non projetables pour des raisons personnelles et l'on comprend que le processus de fractionnement d'une unité s'intensifie et que les effectifs (on devrait parfois parler de sous-effectifs) soient réduits (et ça sera pire avec 15 000 terriens en moins!). D'où des adaptations...
Cette atomisation oblige à une forme de cannibalisation qui permet à un chef de corps de mettre sur pied une unité projetable en suivant scrupuleusement les consignes de la DRHAT (voir le memento des procédures de relève pour les opex et les missions outre-mer et à l'étranger), quitte à piocher dans tous ses escadrons, compagnies etc, pour former des unités "de marche".
Sur le terrain, ces normes sont diversement vécues.
Deux témoignages qui illustrent les difficultés et l'adaptation consentie:
"Le détachement de mon régiment d'infanterie parti au Mali était constitué de deux compagnies formées chacune de sections hétéroclites, montées parfois had hoc avec le personnel répondant aux normes administratives. Ces deux unités ont laissé près de 60 jeunes soldats en base arrière chacune, déséquilibrant d'autant les compagnies à qui elles ont "emprunté" le personnel manquant. Je sers depuis plus de 25 ans dans des régiments d'infanterie professionnels...et j'ai rarement vu une telle gabegie. Cela se voit au niveau du GTIA. Comment concevoir que le GTIA TAP soit fait à partir de deux unités distinctes, quand ces deux régiments possédaient assez de monde pour former un bataillon homogène ? De telles alertes, si elles avaient eu lieu il y a 20 ans, même 10 ans auraient vu le régiment se vider de tout son petit monde sans autre forme de procès ! Aujourd'hui, les chefs de BOI et les DRH se tirent des balles dans la tête à devoir monter ces mikados opérationnels !
Et pendant ce temps là, on nous vante les réussite de notre armée au Mali. Qu'en serait-il de la cohésion de telles unités dans un conflit de haute intensité, face à la Corée du Nord comme en 1950 ? Difficile de se battre avec des gens que l'on n'a pas formés, que l'on ne connaît pas; difficile de vanter notre premier système d'armes, l'homme, quand celui-ci est mis en "pool", tel un véhicule blindé.
Faites pour l'Afghanistan, dans le cadre de GTIA à la préparation et au déploiement normés, ces mêmes normes sont adaptées aujourd'hui à l'alerte Guépard. Or, une compagnie, et les sections qui la compose sont souvent constituées de véritables "mille-feuille" générationnels. En cas de départ, les plus jeunes sont laissés sur le carreau, en "base arrière", et remplacés par des éléments éparses ou constitués en provenance d'autres compagnies. Les chefs de section et commandants d'unité se mettent donc à travailler avec des personnes qu'ils ne connaissent pas.
Autre témoignage: un régiment a fourni, pour Serval, une compagnie en alerte Guépard mais l'EMA en a demandé une deuxième qu'il a fallu monter en moins d'une semaine.
"Pour ce faire, nous avons engagé sur volontariat des personnels qui venaient de rentrer d'opex. Nous avons donc dérogé aux textes sur les temps entre deux projections en partant du principe que c'était une alerte et pas un départ en opex planifié... En revanche, tous les soldats sont partis formés, instruits et qualifiés. Sur ce plan là, nous n'avons pas "interprété" les textes. Ils ont donc tous plus d'un an de service et répondent aux descriptions des postes demandés. Les deux compagnies ont été complétées en piochant dans tout le régiment. Il n'y a pas que les véhicules qui sont mis en parc!
Cela fait des années que cela dure et l'atomisation frappe tous les régiments. Ceux-ci sont totalement destructurés et cela engendre de grands soucis de suivi du personnel (formation mais aussi connaissance intime de nos gars). Tout cela a des conséquences sur la fidélisation et la confiance envers les chefs. Malgré tout, on y arrive".
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