bonsoir les marsouins
Douloureuse restructuration de l’armée française
Le ministre de la défense, Alain Juppé, réunira tous les cadres le 1er février pour tenter de rassurer militaires et civils.
Le moral n’est pas fameux, en ce début d’année 2011, dans les armées. Non que l’heure soit à la réforme – elle est permanente depuis vingt ans. Mais cette fois, les fondations de la maison tremblent.
Le nouveau ministre de la défense cherche à voir clair sur ce dossier dont il a hérité, une « priorité « , selon lui. « L’esprit de ce qui été décidé en 2008 est bon. Mais l’adhésion doit être renforcée » , souligne Alain Juppé, qui va réunir tous les cadres concernés le 1er février.
Devant les députés, le chef d’état-major des armées avait, à l’automne 2010, évoqué « une situation délicate « . « Plus de 80 dossiers de réforme sont en cours , avait précisé l’amiral Edouard Guillaud. C’est bien entre 2010 et 2012 que l’essentiel se joue. »
Le plus haut gradé a reçu les syndicats des civils de la défense. Du jamais-vu. « Il faut expliquer et réexpliquer, pour rassure » , nous indique-t-il.
Les chefs affichent leur volontarisme, mais ils déclinent le sujet à l’unisson : « C’est une sédimentation de difficultés » , résume le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. « Je n’ai jamais connu de période aussi bouleversée » , confie son homologue de l’armée de l’air, Jean-Paul Paloméros. « Je n’ai aucune garantie qu’on va réussir » , ajoute, pour la marine, l’amiral Pierre-François Forissier.
L’armée française 2011, ou la photo floue : de la paie à la formation des pilotes de chasse, il n’est pas un secteur, pas un métier, pas un lieu qui échappe au changement.
Sous tension, la défense subit en même temps, et brutalement, plusieurs réformes : la révision générale des politiques publiques (54 000 suppressions d’emplois en six ans) ; la refonte de la carte militaire et la réorganisation des états-majors.
Mais aussi la mise au pot commun des chasses gardées historiques de chaque arme : cela vaut pour les équipements (on mutualise les hélicoptères, les munitions, les matériels terrestres) ou les hommes (on enlève le soutien des mains des commandants d’unités). Dans ce maelström, les 60 nouvelles » bases de défense « , mises en place depuis le 1er janvier, forment un abcès de fixation. Ces circonscriptions d’administration militaire sont des entités disparates dont nul ne voit comment elles vont fonctionner – celle de Brest chapeaute 18 000 personnes ; celle de Valence, 1 200.
Meurt avec elles le principe » un chef, une mission, des moyens » , en vigueur depuis 1873.
» L’essentiel du quotidien des militaires bascule dans un système nouveau » , explique le secrétaire général pour l’administration, Christian Piotre. » Les unités sont soulagées de leurs tâches de soutien – passation des marchés, habillement, informatique, alimentation, administration des personnels, etc. -, dans la perspective d’économiser des moyens. » C’est » la fin du confort personnel » , se réjouit un officier. » Un vaste bazar » , traduit un autre. Même les responsables de la réforme ne cachent pas que les choses vont » « dysfonctionner » cette année » . Le pilotage de l’ensemble n’est pas au point.
Des outils manquent. Le logiciel de gestion des ressources humaines commun aux trois armées ne sera par exemple pas disponible avant 2014. Le système de paie unifié de l’Etat est espéré pour 2017. Pour l’heure, l’affaire génère des coûts : les mesures d’accompagnement social des restructurations se montent à 238 millions d’euros pour 2011, un record.
Or, » pendant les travaux, la vente continue » , ironise un colonel. Coûteuses et prioritaires, les opérations extérieures, en Afghanistan ou en Afrique, pèsent lourd en ces temps de réforme. » En opérations, l’armée de terre a les moyens qu’il lui faut, derrière, ça se gâte » , convient le général Irastorza.
Idem pour la marine. Depuis qu’en septembre, trois avions de surveillance ont été dépêchés au Sahel pour tenter de retrouver les otages français, les capacités de sauvegarde maritime en Méditerranée ne sont plus honorées qu’à 20 %. » La marine ne dispose pas de marge de manoeuvre et tout aléa matériel (panne) ou opérationnel (mission non programmée) nécessitera d’annuler une autre mission ou de revoir à la baisse le niveau d’entraînement » , avait écrit la députée (UMP) du FinistèreMarguerite Lamour dans son rapport sur le budget 2011.
La déprime est palpable dans l’armée de l’air, qui venait juste d’achever une profonde réforme interne quand celle de 2008 est arrivée.
A Saint-Dizier, base de l’aviation de chasse choisie le 4 janvier par le président de la République pour ses voeux, la disponibilité des Rafale était ces jours-là de 30 %.
Ainsi, tandis que des équipements neufs arrivent sur le terrain, le sentiment d’un manque de matériel se répand.
Les armées sont contraintes de rogner sur les jours de préparation opérationnelle, la formation des jeunes ou les heures de vol des pilotes. Cette » armée à deux vitesses » n’entame pas seulement le moral. Elle fait craindre des pertes de compétences et des difficultés de recrutement.
La promesse des réformateurs de 2008 était que les sacrifices consentis allaient dégager des moyens pour mieux équiper les armées. Mais les gains ne sont pas attendus avant le prochain quinquennat. » On n’y verra pas clair avant 2015 » , assure un cadre.
De plus, l’ensemble de la réforme, et la stratégie nationale de défense qui allait avec, avait été pensé avant la crise.
Comme l’ont montré les rapporteurs du budget au Parlement, la dotation 2011 ne permet déjà pas d’assurer toute l’activité prévue.
La préparation de la loi de finances 2012 s’annonce tendue. Les armées s’attendent à une révision de la programmation budgétaire qui leur avait été promise. L’hypothèse maximaliste de 35 milliards d’euros d’économies nouvelles d’ici à 2020 est avancée.
Face à cette perspective, les responsables militaires sont unanimes : pour eux, les armées sont allées au bout des réorganisations possibles. Si l’exécutif veut de nouvelles économies, il lui faudra assumer une réduction des ambitions stratégiques du pays.
Les contours de la réforme :De 2009 à 2016, 83 sites militaires seront fermés et 33 autres déménagés d’une ville à l’autre, sur 471 existants. Vingt régiments et bataillons, 11 bases aériennes et 1 base aéronavale seront dissoutes d’ici à 2016. En 2011, fermeront les bases aériennes de Taverny et Reims, des régiments de Laval, La Rochelle, Metz, l’état-major de Limoges, l’Ecole de santé de Bordeaux, la base aéronavale de Nîmes. 54 000 suppressions de postes civils et militaires d’ici à 2015 (sur 320 000 hors gendarmerie), soit 8 500 par an. C’est une baisse de 17 % en moyenne, 25 % pour l’armée de l’air. 75 % des suppressions doivent se faire sur le soutien. Gains attendus à terme : 2,3 milliards d’euros par an. L’effort total pour la défense a été fixé à 377 milliards d’euros (hors pensions) pour la période 2009-2020.
source défense
La baisse des effectif de l'armée dangereux pour la sécurité de la FRANCE