Comme j'ai fait les évènements d'Algérie de 1956 à 1958, et surtout m'être retrouvé dans la fournaise des deux "Batailles d'Alger" je lance de temps à autre des épisodes au jour le jour de cette guerre d'Algérie ,maintenant lointaine ...Premier Septembre 1957
Rien.
2 Septembre 1957
Un policier tué à Relizane.
Un gendarme à Sétif.
Deux agriculteurs à Fermatou.
A la demande de Morice et avec l'accord de Bourgès Maunoury,
Salan et Jouhaud étudient un plan de destruction des bases F.L.N. en Tunisie.
Ils proposent une opération aéroportée sur Tunis pour y liquider les chefs rebelles,
et un débarquement à Sousse. Le gouvernement étant renversé le 30, le plan est mis aux oubliettes.
3 Septembre 1957:
Une grenade dans un café à Constantine, un mort, 9 blessés.
Le 3ème R.P.C. repart au djebel, remplacé par le 1er REP.
Bigeard fait son rapport, Entre le 1er et le 25 août, des groupes armés font
des attentats individuels, des mitraillages au pistolet-mitrailleur,
ou à la grenade incendiaire. Mais, observe Bigeard, 90% des auteurs furent arrêtés,
"aucun attentat individuel n'a plus eu lieu et Alger n'a jamais été aussi calme".
En août, la branche militaire fut détruite.
Ramel n'avait pu installer dans chacune des trois régions de la zone une section
de 35 terroristes, faute de cadres compétents.
En région 2, le chef, Hacène Gandriche, dit Zerrouk, était privé de personnel
et de matériel. (Dans son rapport, destiné à une certaine diffusion Bigeard
"omet" de signaler que Zerrouk travaille pour lui.) En région 3,
le groupe militaire de Hani dit Lyes, puis de Berekia dit Fodil rassembla
"la dotation théorique prévue", et tenta de réaliser "le programme d'action préconisé",
sans grand effet. Quant à la région 1, elle ne reçut jamais de chef valable,
les anciens bien rodés, Ben Cherif Omar et Ahmed Chicga,
avaient dû partir au maquis; leur remplaçant, Saïd Bakel, manquait d'envergure.
Les armes manquaient, malgré les efforts de Yacef Saadi pour en importer, difficilement d'ailleurs.
Bigeard estime même que "l'affaire des bombes" fut un palliatif spectaculaire au manque d'armes d'autant plus qu'il était simple à réaliser...
La zone souffrait alors du manque de cadres. Mourad, un proche de Yacef Saadi,
dirigeait les Régions l et 2, et Mohamed Hattab (dit Semd) la Région 3,
mais les cellules de la Région 1 et de la Région 3 n'avaient pu être rattachées
à "l'échelon supérieur". Seule la Région 1, dans la Casbah,
répondait au schéma théorique.
Tout n'était pas négatif. Les groupes de choc levaient toujours les cotisations
et effrayaient toujours les récalcitrants. Un réseau, parallèle à celui de la zone,
taxait les commerçants. Mais l'autorité de Yacef Saadi n'avait pas empêché
un "réseau kabyle" d'alimenter en argent les maquis de Kabylie,
contre ses rappels à l'ordre. En général, il lui était plus facile de recruter des
"percepteurs" que des tueurs, car les peines encourues étaient légères.
Bigeard, dans son rapport, reconnaît que "la branche liaison-renseignement"
restait mal connue, en dépit de l'arrestation de son responsable zonal,
Areski Haffat dit Houd. Les filières étaient bien cloisonnées en B.P. (Boîtes Postales).
La zone avait conservé ses communications et avec Tunis et avec les wilayas
de l'est-algérien. Quant au service de renseignement,
il n'avait pas été reconstitué depuis son démantèlement en février .
Des signes auraient été recueillis de la permanence de trois comités zonaux, dont les activités étaient réduites:
- le "Comité de rédaction", d'une dizaine de membres, rédigeait les textes de propagande et tentait de pénétrer le milieu enseignant d'Alger,
- le "Comité de justice" avait été créé pour trancher les différends entre militants et tourner ainsi la justice française. Dans l'été 1957, il se vouait surtout à réunir des dossiers de propagande sur les tortures et les plaintes
- le "Comité sanitaire", avec quelques membres du corps médical, tentait de trouver médicaments et personnel pour les hôpitaux du F.L.N..
En quittant Alger, le 3ème R.P.C. avait sans doute fortement déstabilisé la Zone autonome. Bigeard estime que la Région I était détruite à 70%, la Région 2 à 60%.
Seule la Région 3, en cours de réorganisation, était la moins touchée (35%).
En Région 1, le personnel de commandement avait été arrêté ou abattu à 70%,
en Région 2 il en était de même pour les 35 responsables. Il ne disposait
d'aucun renseignement sur la Région 3; Des arrestations avaient frappé les Comités.
Ne subsistaient de façon sûre que trois cellules de la Région 1.
Quant au réseau bombes, il était démantelé:
- Mourad, spécialiste des bombes: tué le 26 août
- 26 poseurs arrêtés, 4 autres tués
Explosifs saisis: 10 kg de cheddite et de dynamite gomme, 4 grenades.
Le 9ème Zouaves trouvera de son côté 18 bombes et 10 kg d'explosifs.
Bigeard insiste, en terminant, sur le fait que son unité n'a perdu aucun homme,
seuls 7 parachutistes ayant été blessés.
Ce rapport apporte donc des précisions rarement données par les auteurs de
l'histoire de cette bataille. Il ne dit rien des méthodes employées,
en particulier du recours à la torture ou à la coercition physique,
comme l'ont raconté des survivants du F.L.N.
Ces derniers se veulent accablants pour le "lieutenant Schmitt",
sans doute en raison de ses anciennes fonctions à la tête de l'armée française.
Le quotidien du soir "Le Monde" y a consacré deux pages, le 19 mars 2005.
Cela appelle quelques observations de bon sens:
1- Le témoignage "accablant" contre le général Schmitt n'est pas nouveau.
On lit celui d'une jeune Algéroise arrêtée en août 1957 dans Mohamed Lebjaoui,
"Bataille d'Alger ou bataille d'Algérie", Paris, NRF, 1972, p.160 et suiv.
2- Le général Schmitt a raconté cette curieuse bataille d'août 1957 dans son livre,
"Alger- été l957 - une victoire sur le terrorisme", Paris, L'Harmattan, 2002.
Il rejoint l'esprit du rapport Bigeard: la Zone d'Alger était faible,
elle a été facilement démantelée.
Cela n'a pas demandé de pressions exceptionnelles sur les suspects,
qui parlaient facilement, par découragement autant que par prudence.
3- Au départ de l'unité de Bigeard, ne sont pas encore hors du circuit
terroriste Yacef Saadi et Ali La Pointe. Leur chute ne tardera pas.
Mais l'objectif du terrorisme algérois était maintenant hors de la portée du F.L.N..
Rappelons cette directive du C.E.E. du F.L.N., exilé à Tunis:
"Une bombe causant la mort de dix personnes et en blessant cinquante autres équivaut,
sur le plan psychologique, à la perte d'un bataillon français."
(texte cité par Gilbert Meynier, Histoire intérieure du F.L.N., Paris, Fayard, 2002, p. 325)
"Dès l'automne, le nombre des attentats était devenu négligeable:
un seul en octobre 1957" (Meynier, op. cit., p.326)
On ne peut reconnaître plus clairement que la Zone d'Alger avait été démantelée pour la deuxième fois.
Pourtant Bigeard n'en tire nulle gloire.
"Ce travail que nous n'aimons pas devant être fait et bien fait, les unités du régiment
ont réalisé un travail de fond, scientifique, souple, propre."