"Gueules cassées" en Irak: l'armée US fait appel à la médecine françaiseAFP - L'armée américaine souhaite bénéficier du savoir-faire français pour réparer ses "gueules cassées", des soldats revenus d'Irak et d'Afghanistan totalement défigurés, et va envoyer ses chirurgiens se former à Paris en 2011 auprès du Pr Laurent Lantiéri, spécialiste mondial de la greffe de la face.
De 2001 à 2007, quelque 7.000 soldats américains ont été blessés au combat en Irak et ont dû être rapatriés. Parmi eux 2.500 ont été touchés au visage. "200 à 300 sont des candidats potentiels à une greffe de la face", explique à l'AFP le Pr Lantiéri, basé au CHU Henri Mondor à Créteil. Il est l'auteur de quatre des onze greffes de la face réalisées à ce jour avec succès dans le monde (Deux autres à Amiens et Lyon, trois en Espagne et deux aux Etats-Unis).
Même si le nombre de ces "gueules cassées", visibles dans les rues américaines, n'a rien à voir avec les soldats de 14-18, innombrables à avoir été défigurés dans les tranchées, leur sort préoccupe l'armée américaine, souligne le Pr Lantiéri.
Dans les conflits actuels "il y a moins de morts mais beaucoup plus de blessés". Les lésions du visage dont souffrent ces soldats, qui ont eu parfois une partie du visage arrachée lors d'une explosion, sont telles "qu'elles ne sont pas réparables avec des techniques conventionnelles", explique le chirurgien.
"On arrive à réparer les nez de travers, les visages coupés en deux, la moitié des os cassés mais pas la totalité des lèvres arrachées, ou la destruction totale des paupières, les très grands brûlés au 4ème degré, pour lesquels une greffe est parfois possible", ajoute-t-il.
Le Pr Lantiéri se bat depuis longtemps pour mettre en place une "coopération franco-américaine au niveau institutionnel" entre la France et les Etats-Unis, depuis que l'armée américaine l'a approché pour bénéficier de son expertise au cours de ses nombreux voyages professionnels aux Etats-Unis.
Cleveland, Miami, Baltimore et plus récemment San Antonio, il s'est longuement entretenu avec ses homologues américains, notamment les chirurgiens de l'armée, "de remarquables techniciens comme en France", dit-il.
"J'ai rencontré de nombreux médecins. Ils sont intéressés par notre savoir-faire, ils veulent voir comment nous avons mis en place cette technique", poursuit-il, expliquant avoir lancé cette coopération au prix d'un long bras de fer avec les autorités françaises.
Sa persévérance a fini par payer. "J'ai déjà prévu d'accueillir dans le service des +fellows+ américains (des chirurgiens encore en formation qui finalisent une spécialité) pendant un certain temps, en 2011", précise-t-il.
Plusieurs réunions interministérielles et avec les représentants des autorités américaines, associant les anciens combattants, ont fini par être organisées depuis février pour définir le cadre de cette coopération.
Le Pr Lantiéri tient beaucoup à ce "cadre institutionnel" : pour "éviter que les Américains viennent débaucher en France à coups de millions de dollars comme ils savent le faire".
"Cela donnerait peut-être un peu plus de contenu aux relations diplomatiques franco-américaines", ironise-t-il.
Et puis, "la greffe d'organes, le don d'organes, ça touche à des questions fondamentales, à ce que devient le corps après la mort. Donc pas question de faire n'importe quoi tout seul avec des fonds privés", conclut-il, rappelant que trois de ses patients sont en attente d'une greffe d'organe.
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